Conduire le changement implique, à en croire certaines publications sur la courbe du deuil, d’accepter de perdre, un certain temps, en performance globale. Notons tout de suite qu’il y a, du point de vue de la philosophie des sciences (épistémologie), de quoi remettre en question cette affirmation. Tout d’abord parce que la courbe du deuil a été conçue pour la fin de vie de personne physique. Passer de la personne physique à une personne morale pose quelques difficultés ou plutôt suppose quelques pétitions de principe que l’on peut facilement remettre en question. Ensuite, parce que de nombreux auteurs ont remis en question un modèle qui date des années 70. Enfin, parce que faire un rapport entre conduite du changement et mort pose aussi quelques questions que l’on ne pourrait pas passer sous silence, fût-ce même de manière symbolique ;
L’auteure (E. Kübler-Ross) elle-même insistait sur le fait qu’il s’agit de ce qu’elle a observé, dans le cadre de la fin de vie et qu’on ne saurait l’appliquer sans trop de précautions à d’autres contextes.
Il faut donc être prudent. Aussi, l’on peut affirmer qu’une réelle transformation quand on conduit le changement implique un temps d’apprentissage réel qui ralentit un peu la productivité de la personne concernée. Pour donner une image, c’est un peu l’équivalent pour un français à qui l’on demande de conduire en Angleterre. Un temps d’adaptation, où le conducteur roule forcément « moins vite » qu’avant, est certes nécessaire. Prolongeons l’image : pour bien conduire en Angleterre, il faudra que le conducteur se sente autorisé à conduire moins vite, par les règles de la circulation, mais aussi et surtout par les passagers qui sont à l’intérieur : il ne faudra pas qu’on lui mette la pression ! Il faudra qu’il soit « philosophe ». En substance, si l’on veut conduire un changement, la leçon à retenir. Favoriser l’apprentissage c’est autoriser, symboliquement, une moindre performance pour un temps donné. De là à dire qu’il doit y avoir un deuil de la performance, on exagérerait la proposition ! On fait tout un plat du droit à l’erreur quand on devrait donner un droit à l’errance, à la recherche, aux tâtonnements.
Concrètement, il s’agit de conduire le changement en minimisant l’incidence que l’on a sur l’attention des individus. Il faut, dans le cadre d’un apprentissage comportemental, surprendre lesdits individus pour les transformer, sans trop les faire bouger au risque de ne plus rien comprendre à leur quotidien. C’est pourquoi toutes nos formations à la philosophie et nos actions de transformations philosophiques s’appuient sur les apports des neurosciences en plus de la philosophie. Nous concevons des actions quotidiennes, rapides, courtes, pour ne pas empiéter sur le réel et transformer progressivement les comportements. Baby’s steps but strong steps !