La culture d’entreprise paraît être un frein au changement. Difficile de le prouver, on est là dans les sciences dites "molles" et non pas "dures". À défaut d’en donner les preuves, faisons référence à une réalité que chacun pourra expérimenter. On se dit parfois– et l’on a raison presque tout le temps – que si l’on change les personnes en poste, à une même fonction, et que rien ne change cependant -baisse de la performance, montée des comportements inadaptés, etc., alors c’est l’état d’esprit qui pose un problème, quelque chose de plus profond, de plus englobant, quelque chose comme une « ambiance ».
En quoi serait-ce un problème, un frein ? La performance opérationnelle baisse, c’est le signal le plus frappant. Mais encore ? Il se pourrait bien que la culture d’entreprise cultive de mauvaises choses, comme les phénomènes de bouc-émissaires par exemple où l’on ne peut plus voir un service autrement que comme une chose nuisible pour les autres services. Et là, se propage en se dissipant une énergie considérable qui pourrait être investie positivement.
La culture d’entreprise est d’abord une affaire d’habitudes. On ne saurait trop répéter que les habitudes sont extrêmement puissantes. Elles nous font autant, sinon plus, que nous les faisons (voir le pragmatisme chez Peirce et James). Pour William James en effet, l’habitude est « l’énorme volant d’inertie de la société, son agent de conservation le plus précieux ». On peut regarder la culture d’entreprise comme un ensemble d’habitudes qui peuvent être un frein au changement. Les habitudes sont par essence conservatrices, le conservatisme ayant du bon, il faut bien l’avouer. Il est nécessaire, par exemple, en éducation. Car avant de transformer le monde, il faut pouvoir dire aux jeunes comme est le monde. Et le conservatisme a le goût de sel qui conserve le poisson des pêcheurs. Les habitudes ont bon goût, car avec elles on sait, on prédit, on est passager bien plutôt que conducteur.
Si donc, on veut conduire le changement, que l’on veut changer de culture, il y a fort à parier qu’il suffise – mais est-ce si simple- de changer d’habitudes.