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[BLOG] Qu'est-ce que le modèle 3A ?

Il paraîtrait que changement se joue au niveau de l’individu. Cette croyance est souvent à la base des pratiques de coaching et de développement personnel qui sont censées accompagner tous les projets de transformation. C’est un mantra que l’on rencontre le plus souvent mais qui pose un problème de taille : on en déduit que si le changement ne se fait pas, c’est en quelque sorte au niveau des individus que ça se joue. Il y a ceux qui savent changer et ceux qui n’y parviennent pas. Et la responsabilité n’est portée que par l’individu. Cela repose sur une compréhension du groupe erronée: un groupe n’est pas une somme d’individu, mais au contraire une entité à part entière. La pensée structuraliste ou la pensée sociologique des 19e et 20e siècle l’ont montré de bien des manières. On parle de « l’effet de groupe », par exemple. Cette croyance erronée : pour preuve, les travaux sur la dynamiques des groupes dont la base méthodologique est de considérer qu’un groupe est plus que la somme de ses parties/individus.

 

Quels constats avons-nous fait ?

Les méthodes d’accompagnement du changement sont de deux sortes : soit elles sont des déclinaison de méthode de gestion de projet, où l’humain n’est pas central ; soit elles sont des pratiques de coaching ou de développement personnel : on met alors en avant l’humain. Dans ce second cas, qui correspond plus à la culture de Noetic Bees, nous avons fait le constat que l’humain n’y est lu que dans la mesure où « accompagner » est un synonyme de « manipuler » et/ou de « culpabiliser ». On conçoit des techniques et des stratégies qui visent à faire parcourir un chemin à des individus ou à un groupe d’individu. Et ce chemin est toujours parcouru par les individus en eux-mêmes. On pense alors le changement réussi comme un changement personnel qui s’incarne dans le collectif. En clair, pour changer il faut d’abord se changer soi.

 

Quelles sont les limites de cette approche ?

Cette approche a du sens, mais a des limites : 1) car elle repose le plus souvent sur une minoration des effets systémiques du groupe humain, mais également des effets systémiques de la culture d’une organisation ou d’un secteur d’activité. En clair, à se concentrer sur l’individu, on ne le voit pas comme engagé dans une structure plus globale : l’individu s’inscrit dans un métier, qui s’inscrit dans un service, qui s’inscrit dans une organisation, qui s’inscrit dans une entreprise, qui s’inscrit dans un écosystème, qui s’inscrit dans un marché, etc. Chacun de ces niveaux ayant des déterminations culturelles qui s’imbriquent les unes avec les autres et qui ne peuvent conduire qu’à une conclusion : il existe des mécanismes de détermination et de domination (Bourdieu) qui gouvernent nos manières de penser, d’agir, d’être en relation, et donc… de nous transformer. 2) car elle pense le processus d’appropriation et de changement comme un processus par étapes. La limite des modèles courants (AKDAR, Jotter, Bridges), c’est qu’ils réduisent le plus souvent le changement à des étapes par lesquels on doit passer pour s’assurer que les individus prennent le bon chemin de la transformation. Cette manière de pensée est d’ailleurs directement héritée du premier présupposé qui centre la méthode sur l’individu : si je pense l’individu hors sol dans un environnement qui ne va que de lui à lui, alors il est le seul responsable de sa propre transformation et donc je dois lui donner les bonnes étapes, la bonne marche à suivre, pour qu’il se transforme efficacement. On retrouve ce type d’approche notamment dans les programmes sportifs et on ne compte plus les analogies des méthodes de changement ou de gestion de l’entreprise avec les approches sportives. Reste que ce présupposé est également erroné. Un processus d’apprentissage n’est pas tant fondé par la bonne compréhension de étapes que par les essais, les erreurs, les difficultés dépassées, etc. 3) car elles conçoivent le changement comme quelque chose de linéaire, allant d’un point A à un point B. Or quiconque a déjà œuvré dans ce type de séquences sait que la réalité du changement c’est d’abord sa discontinuité : nous reconstruisons a posteriori des linéarités, comme le feraient des historiens, mais nous ne les rencontrons jamais. C’est notamment l’un des enseignements du travail de Michel Foucault.

 

Quelle conséquence sur la compréhension du changement ?

  1. D’abord le changement n’est pas celui de l’individu, mais celui d’un système : il y a donc toujours des héritages qu’on ne peut pas vraiment modifier seuls et pour lesquels la stratégie de transformation ne se joue pas au niveau des individus.
  2. Ensuite le changement n’est pas un processus avec des étapes, une porte d’entrée et une porte de sortie du changement. Le changement se construit le plus souvent en train de se faire et on ne peut que très difficilement le planifier réellement : au mieux on peut lui donner des orientations, tout en sachant que ces orientations s’ajusteront au fur et à mesure. On a donc souhaité concevoir un modèle « non-linéaire », capable d’adresser des discontinuités, ce qui est le propre d’un processus de changement.
  3. Enfin, les modèles de compréhension et d’accompagnement doivent tout à la fois permettre de penser, de concevoir et d’analyser le changement en train de se faire : on parle de modèles « auto-critiques » et « non-linéaires ». C’est ce que nous avons souhaité développer avec le modèle 3A.

 

En conclusion, ce qui manque cruellement dans les processus de transformation c’est le discernement des acteurs. Souvent, on considère que le discernement se joue au niveau de la construction de la stratégie, mais en réalité elle se joue à tous les niveaux de l’organisation. Il nous fallait donc un modèle qui :

  • Soit auto-critique et non-linéaire
  • Favorise le discernement et le questionnement des parties-prenantes
  • Adresse le système dans son ensemble et pas seulement le niveau des individus

 

Le modèle 3A est donc venu construire une brique liante autour des outils de questionnement, de discernement et de dialogue que nous avons déjà conçus. Il formule au fond une idée simple : on ne s’approprie les choses qu’en les mettant en dialogue, en les questionnant et en prenant des décisions. Il est donc ce qui vient donner du sens à notre raison d’être puisqu’il adresse l’enjeu de l’esprit critique dans l’organisation en l’outillant sans contraindre les individus à des étapes ou à une porte d’entrée particulière : certains sont des pragmatistes qui rentreront par l’action ; d’autres sont des stratèges qui rentreront par l’ajustement ; d’autres enfin sont des cognitifs qui vont avoir tendance à rentrer par l’adoption. Il n’y a pas de bonne porte d’entrée, il y a des individus avec leurs différences qui doivent naviguer dans des environnements qui se transforment en les interrogeant.

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