Les biais cognitifs, ces mécanismes psychologiques qui altèrent notre jugement, influencent de manière significative notre perception et notre prise de décision. Ils opèrent de manière inconsciente et nous laissent confiants dans nos convictions tout en obscurcissant la réalité. La qualité de vos questions peut à ce titre apparaître comme un antidote. Car en nous forçant à examiner et à remettre en question les réalités auxquelles nous sommes confrontés, les bonnes questions nous aident à observer, comprendre et déjouer nos propres mécanismes, et ceux de nos interlocuteurs.
La nature des biais cognitifs
Les biais sont le résultat de la manière dont notre cerveau traite l'information. Pour gérer la quantité massive de données auxquelles nous sommes confrontés, notre esprit utilise des raccourcis ou des heuristiques. Si ces heuristiques peuvent souvent être utiles (dans 95% des cas), elles peuvent aussi nous conduire à des erreurs systématiques de jugement : c’est là que ça devient gênant !
Car il n’est pas rare que dans une organisation, les cultures individuelles et collectives aient sédimenté des schémas réflexifs qui finissent par paraître évidents. Parfois même, ce sont de bonnes habitudes que l’on aura repérées chez les leaders que l’on reproduit. Mais attention à ne pas présupposer qu’à toute situation nouvelle les bons réflexes d’hier valent… !
Les questions comme outil de prise de conscience
Le premier pas pour contrer un biais est la prise de conscience. En posant des questions, nous pouvons identifier où et comment les perceptions individuelles et collectives peuvent être faussées. Le plus souvent, cela commence par des évidences que l’on ne questionne plus. Puis ce sont ensuite des distinctions que l’on ne fait plus. Enfin, ce sont des habitudes dont on ne se rend plus compte. S’interroger ou se faire challenger sur ces trois niveaux devient alors plus que pertinent.
Un biais particulièrement pernicieux est le biais de confirmation, où nous cherchons et interprétons des informations de manière à confirmer nos croyances préexistantes. Les bonnes questions nous amènent à défier ce biais en nous obligeant à considérer des perspectives opposées. Poser des questions comme "Quels sont les arguments contre ma position ?", "Y a-t-il des preuves qui contredisent ma croyance ?" ou "Si je devais défendre le point de vue opposé, quels seraient mes arguments ?" peut nous aider à voir au-delà de nos préjugés initiaux.
Un autre biais particulièrement fréquent sera le biais de croyance. Il vous conduit à lire la réalité avec un prisme teinté, une certaine coloration qui vous appartient. Cela peut être terriblement efficace ! Pensons à Steve Jobs dont on nous dit qu’il tordait la réalité selon son propre prisme, au point parfois de tout faire pour que ses croyances deviennent réalité. Mais cela peut aussi être très improductif : pensons à la petite sirène qui voit dans la fourchette… un peigne !
Un grand nombre de biais peuvent être contrecarrés en posant des questions qui nous forcent à explorer au-delà du sens immédiatement perceptible. Car ce que nous percevons immédiatement est en réalité le fruit d’une interprétation : elle nous expose elle-même à nos biais. Poser des questions, c’est se forcer à se mettre à distance. Nous avons à apprendre à écouter différemment pour penser différemment.
Conclusion
Les biais cognitifs, bien qu'inévitables, ne sont pas insurmontables. En cultivant l'habitude de poser des questions perspicaces et réfléchies, nous pouvons déjouer ces pièges mentaux et arriver à une compréhension plus claire et plus objective. Les bonnes questions ne sont pas seulement des outils pour obtenir des réponses ; elles sont les garde-fous qui nous protègent de nos propres limites cognitives. Et c’est peut-être l'une des compétences les plus précieuses que nous puissions développer.