La pédagogie est une pierre angulaire du processus d’accompagnement. Il ne faut pas perdre de vue toutefois qu’elle représente un angle idéaliste de la problématique : bien expliquer pour faciliter la compréhension, certes ; mais expliquer seulement ? Pragmatistes, nous pensons que la compréhension passe autant par le faire que par l’explication. Bien souvent, le faire en est même une porte essentielle. Cet article s’étonnera donc que l’obsession pédagogique s’apparente souvent à un idéalisme qui se déguise pour s’affirmer avec assurance sans se confronter aux enjeux réels du changement. Manière de dire qu’en théorie tout va bien, mais qu’en vérité… c’est plus compliqué.
De nos jours, les variables qui déterminent nos obligations de changement sont elles-mêmes en constante évolution. Les changements sont donc à la fois plus rapides et plus complexes : appréhender dans un contexte d’agilité relationnelle et mentale les transformations concrètes des femmes, des hommes et des organisations (et pas forcément dans cet ordre) implique d’avoir un haut niveau de discernement sur les méthodes, les processus d’apprentissages et les processus de transmission des connaissances. Bien souvent, la qualité de l’explication n’est pas suffisante. Pire, elle peut embrouiller et créer de l’inertie. Car le changement nous confronte à notre incompétence là où la meilleure des pédagogies nous donne l’impression de gagner en assurance, nous rendant aveugles aux vrais enjeux d’hybridation que les sujets de changement appellent.
Philosophes d’entreprise, formés à l’école idéaliste, nous avons construit Noetic Bees pour répondre à cet appel de l’opérationnel. Et notre constat a souvent été le manque de discours opératif sur le changement : trop souvent, on se contente des intentions, mais ignorant le « comment », on prend le risque des injonctions, des culpabilisations et des paradoxes. Le pragmatisme au contraire nous apprend que tout changement est enquête sur le changement. C’est en changeant que l’on comprend comment l’on change. Cela nécessite une grande agilité, mentale, émotionnelle, relationnelle. Mais cela nécessite surtout beaucoup de discernement, de questionnement et de réflexion sur les bonnes méthodes.
Souvent nos clients sont conscients qu’il n’y a pas de méthode universelle. Ils sont les premiers à critiquer les modèles qui s’imposent, leur préférant les méthodes qui proposent. Mais il faut aller plus loin. Kant nous aura appris que l’universel s’oppose au particulier, mais qu’au-delà de cette opposition, le commun se complète du singulier. Et c’est dans cette épreuve de discernement qu’un changement se construit sur le plan de la méthode. Ne pas avoir peur de ce qui rassemble pour chercher dans ce qui ressemble les éléments de singularité qui déterminent les choix d’action.
Cette exigence est d’autant plus importante que les modèles qui permettaient naguère de construire nos stratégies ne sont plus pleinement opérants. Un mot s’impose bien souvent : l’hybridation. On dit par-là l’exigence de discernement. Mais plus encore, un discernement qui s’ancre dans une enquête de terrain permettant de faire émerger des problèmes à résoudre. Une enquête qui se fait apprentissage pour les parties prenantes. À tous les niveaux de l’entreprise, cela s’appelle « Dialogue ».